Il résulte de l’article L. 434-2, alinéa 1, du Code de la sécurité sociale que :
« Le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité ».
Il résulte également du décret n°2006-111 du 2 février 2006 que :
« Les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent donc l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical.
Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale.
Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d’incapacité permanente, sont donc :
1° La nature de l’infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d’où l’on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l’atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l’altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.
2° L’état général. Il s’agit là d’une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d’estimer l’état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l’évaluation d’adapter en fonction de l’état général, le taux résultant de la nature de l’infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.
L’estimation de l’état général n’inclut pas les infirmités antérieures – qu’elles résultent d’accident ou de maladie – ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.
3° L’âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l’indication tirée de l’état civil, mais en fonction de l’âge organique de l’intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l’involution physiologique, de celles résultant d’un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l’état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.
On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.
4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l’individu et de l’incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l’étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l’état physique ou mental de l’intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d’un individu normal.
5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé ».
Ainsi, l’évaluation du taux réside en premier lieu dans la nature de l’infirmité.
Il n’en demeure pas moins que des correctifs et ajouts doivent lui être apportés eu égard aux éléments ci-dessus énumérés.
C’est ainsi que la détermination de l’importance respective des éléments d’appréciation visés par l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui doivent cependant nécessairement prendre en compte l’incidence professionnelle de l’accident du travail et non se contenter d’une évaluation strictement médicale du préjudice.[1]
Ainsi, est-on fondé à voir retenu un coefficient professionnel qui tiendra compte, par exemple, du risque de perte d’emploi, des difficultés de reclassement[2] ou d’un licenciement.
A titre d’illustration, la Cour d’Appel de Grenoble a jugé que :
« Sur le taux socio-professionnel :
En matière de coefficient professionnel, le barème indicatif d’invalidité prévoit qu’en ce qui concerne le retentissement professionnel, l’aptitude et la qualification professionnelles sont à prendre en compte dans la détermination du taux d’incapacité permanente partielle. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
La caisse primaire d’assurance maladie et la commission médicale de recours amiable ont fixé un taux d’incidence professionnelle à 0 %.
Or, le médecin expert a relevé « qu’il était évident que M. [H] [F] ne pouvait reprendre un travail quelconque actuellement et qu’il a été mis en invalidité 2ème catégorie par la caisse primaire d’assurance maladie suite à l’accident du travail et du fait de sa spondylarthrite ankylosante ».
De plus, M. [H] [F], qui était âgé de 33 ans au moment de l’accident du travail, était en contrat à durée déterminée auprès de la société [6]. Il justifie d’une promesse d’embauche en contrat à durée indéterminée de son employeur prévue pour le 1er août 2018 qui n’a pas pu aboutir en raison de son accident du travail et des conséquences de celui-ci.
- [H] [F] justifie de la perception d’une rente d’un montant très inférieur à son salaire et la production de ses avis d’imposition montre qu’il ne perçoit pas de revenus en dehors de sa rente (pièces C8 à C10 de l’appelant).
- [H] [F] rapporte bien la preuve de l’existence d’une incidence professionnelle (…) ». [3]
Dans une autre affaire, la Cour d’Appel de Pau a également retenu que :
« Il résulte des éléments du dossier que :
-l’appelant, nonobstant les diverses tentatives de reprendre son poste de travail, lesquelles se sont avérées infructueuses, a fait l’objet d’un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement,
-cette inaptitude est en lien avec les séquelles de la maladie professionnelle litigieuse,
-le médecin du travail a retenu que l’appelant était apte à un autre poste, avec les restrictions suivantes : pas de manutention, pas de station debout prolongée, pas de déplacement marché en terrain irrégulier ou escalier,
-l’appelant a donc été dans l’impossibilité de reprendre son activité antérieure, et a ainsi perdu sa qualification,
-de ce fait, il a perçu l’allocation d’aide au retour à l’emploi, de l’ordre de 1200 € mensuels, alors qu’il justifie par ses bulletins de salaire, d’un précédent salaire net variant de 1500 à 1580 € ,
– il était âgé de 48 ans au jour de la consolidation de son état de santé,
-il justifie d’un contrat d’apprentissage en date du 14 septembre 2020, rémunéré à concurrence de 100 % (la première année) ou 115 % (la seconde année) du SMIC de 1539 € bruts mensuels.
Ainsi, il est établi que les séquelles de la maladie litigieuse, ont fait perdre à l’appelant sa qualification professionnelle, son emploi, lui imposent des restrictions médicales à l’exercice de certains gestes (manutention, station debout prolongée, marche en terrain irrégulier ou escalier), et restreignent ainsi ses capacités professionnelles, même si la formation dont il justifie, est de nature à lui permettre de trouver un emploi (…).
Le contenu des rapports d’expertise soumis à la cour, n’établit pas que les éléments qui viennent d’être rappelés, ont été pris en compte pour la fixation du taux d’IPP.
Ces éléments justifient la majoration du taux d’incapacité permanente partielle, dans une proportion de 2 %, soit un taux d’IPP de 10 % au total ». [4]
[1] CA Bordeaux 16 février 2012 n°09/06618
[2] Cass. soc., 26 mars 1984, n° 82-16.503, Bull. civ. V, p. 93
[3] CA Grenoble 8 janvier 2024 n°23/00489
[4] CA Pau 11 mai 2023 n°21/00923
Maître Vincent RAFFIN, Avocat Associé au sein du cabinet BRG Avocats [Nantes-Paris], et responsable du Département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France métropolitaine, comme en outre-mer, concernant vos litiges.
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