Le 29 mars 2010, la société Total Mayotte a échangé avec la société Nel une parcelle de terrain sur laquelle elle avait exploité une station-service de distribution de carburants de 2004 à 2010, l’acte contenant une « clause de pollution ».
Le 31 mai 2010, la société Nel a revendu la parcelle à la société Station Kaweni, qui l’a donnée à bail à la société Sodifram pour y édifier des parkings, commerces et bureaux.
En octobre 2013, à l’occasion de travaux d’aménagement et de terrassement, une pollution aux hydrocarbures a été découverte sur ce terrain.
Les sociétés Station Kaweni et Sodifram ont assigné les vendeurs successifs en indemnisation de leurs préjudices pour non-respect des articles L. 512-12-1 et R. 512-66-1 du code de l’environnement, manquement à leur obligation de délivrance conforme et garantie des vices cachés.
La société Total Mayotte a formé un appel en garantie contre la société Nel.
1°) Sur le manquement du vendeur initial à son obligation de délivrance d’un bien dépollué… complètement
La société Total Mayotte fait grief à l’arrêt de la condamner à indemniser les sociétés Station Kaweni et Sodifram et de rejeter son appel en garantie contre la société Nel, aux motifs que « le vendeur est tenu de délivrer une chose conforme à celle prévue au contrat ; que lorsque la convention des parties porte sur un terrain comportant un risque de pollution résiduelle connu de l’acquéreur, ce dernier ne peut se prévaloir d’un manquement du vendeur à l’obligation de délivrance si le risque se réalise ».
La clause de pollution prévoyait que le terrain, anciennement affecté à l’usage de station-service, avait fait l’objet d’une campagne de dépollution, de sorte que l’acheteur avait renoncé à tout recours contre le vendeur ayant pour cause l’état du sol et du sous-sol de l’immeuble vendu, et garantissait ce dernier contre les réclamations de tout tiers se rapportant à l’état du sol et du sous-sol dudit bien.
La cour de cassation relève que la cour d’appel a constaté que la présence de reflets moirés et une forte odeur d’hydrocarbures étaient apparues « au premier coup de godet », signe d’un travail de dépollution pour le moins superficiel.
La cour de cassation rejette le moyen aux motifs que « n’ayant pas constaté l’acceptation, par l’acquéreur, d’un risque connu de pollution résiduelle, mais retenu que le rapport technique joint à l’acte d’échange accréditait l’idée d’une dépollution complète du site, ce qui était loin d’être le cas, la cour d’appel a pu déduire de ces seuls motifs, dès lors que le bien n’était pas conforme à cette caractéristique, que la société Total Mayotte avait manqué à son obligation de délivrance et qu’il y avait lieu de retenir sa responsabilité contractuelle envers la société Station Kaweni, sous-acquéreur, et délictuelle envers la société Sodifram ».
2°) L’inconstructibilité du terrain pollué constitue un vice caché et non un défaut de conformité
La société Nel fait grief à l’arrêt de la condamner, in solidum avec la société Total Mayotte, à indemniser les sociétés Station Kaweni et Sodifram, alors « que le défaut de conformité de la chose vendue à sa destination normale constitue un vice caché et non un défaut de conformité aux caractéristiques convenues entre les parties ; que la pollution d’un terrain retardant les opérations de construction entreprises par son acquéreur sur ce terrain constitue un vice du sol qui ne peut être sanctionné que dans le cadre de la garantie des vices cachés, et non un défaut de conformité, lequel ne peut porter sur l’inconstructibilité d’un terrain ;
De son côté, la cour d’appel considérait que la société Nel avait manqué à son obligation de délivrance envers la SCI Station Kaweni et avait engagé sa responsabilité à l’égard de cette dernière et de sa locataire Sodifram, dès lors que le terrain vendu s’était trouvé inconstructible pendant six mois à raison de la présence d’hydrocarbures car la société Total Mayotte n’avait pas livré à la société Nel, son ayant droit au titre d’un contrat d’échange, « un terrain exploitable et donc conforme à sa destination, notamment sa constructibilité ».
La cour de cassation casse l’arrêt aux motifs « que la clause de pollution n’avait pas été reprise dans l’acte de la vente conclue entre les sociétés Nel et Station Kaweni et que l’inconstructibilité du terrain constituait non un défaut de conformité, mais un vice caché de la chose vendue, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
Cass. civ. 3, 30 septembre 2021, 20-15.354 20-16.156.