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SERVITUDE : possibilité de réclamer la modification de l’assiette de la servitude passage, sous conditions, une fois rétabli l’assiette d’origine

M. et Mme [A], propriétaire du fonds dominant, se prévalant d’une servitude conventionnelle de passage, ont assigné Mme [N], propriétaire du fonds servant, en rétablissement de la servitude qui, selon eux, avait été unilatéralement modifiée, sans leur autorisation.

En exécution du jugement l’y condamnant, Mme [N] a procédé à la remise en état de l’assiette primitive de la servitude.

Le pourvoi faisait d’une part, grief à la cour d’appel d’avoir accepté de déplacer l’assiette de la servitude de passage conventionnelle, après avoir l’avoir remis dans son état initial suite à sa condamnation par une décision de justice exécutoire.

La cour considérait que la modification illégale de l’assiette n’interdisant pas définitivement aux propriétaires du fonds servant d’invoquer l’article 701 alinéa 3 du code civil si les propriétaires du fonds dominant peuvent à nouveau utiliser le passage d’origine.

La cour de cassation approuve la cour d’appel aux motifs que la modification de l’assiette d’une servitude de passage, sans l’accord du propriétaire du fonds dominant et sans autorisation judiciaire, n’interdit pas au propriétaire du fonds servant, lorsqu’il a rétabli l’assiette d’origine du passage, d’invoquer les dispositions de l’article 701, alinéa 3, du code civil.

Le pourvoi faisait d’autre part, grief à la cour d’avoir accepté la modification de l’assiette de la servitude, sans que les deux conditions ne soient remplies, à savoir que l’assignation primitive de la servitude soit devenue plus onéreuse au propriétaire du fonds assujetti, et qu’il puisse offrir au propriétaire de l’autre fonds un endroit aussi commode pour l’exercice de ses droits.

1 – sur l’appréciation du caractère plus onéreux

S’agissant du caractère plus onéreux de la servitude supposant une nécessité de modifier l’assiette primitive de la servitude pour répondre à l’utilité réelle du fonds servant et le changement demandé devant répondre à cette utilité réelle et non à la seule commodité personnelle de son propriétaire.

Le pourvoi reprochait à la cour de ne pas avoir relevé de restriction quant à la destination, l’usage ou les modalités d’exercice de l’utilisation du chemin de passage d’origine ni expliquer en quoi cet usage plus intensif compromettait l’utilité réelle du fonds de Mme [N],

La cour d’appel considérait qu’était établi le caractère plus contraignant de la servitude de passage causé par la modification de la destination du fonds dominant, en ce que les passages des véhicules et des piétons locataires de la maison, qui avaient lieu entre le printemps et la fin de l’été, s’étaient intensifiés et avaient majoré les inconvénients de l’assiette actuelle de la servitude et l’avait rendue plus onéreuse (cf. « les désagréments causés par la fréquentation accrue du passage », le fait que les locataires saisonniers sollicitaient souvent Mme [N] à leur arrivée pour trouver la maison louée et que les « nuisances » évoquées par Mme [N] étaient « certaines »).

2 – sur le caractère aussi commode de la nouvelle assiette

Pour considérer que l’assiette du passage proposée par Mme [N] était aussi commode que l’assiette primitive, la cour d’appel a retenu malgré « deux passages à angle droit » dans le nouveau tracé de la servitude, un conducteur normalement attentif pouvait « sans problème » utiliser le nouveau passage, que la largeur du passage était suffisante pour le passage de véhicules légers et que les véhicules plus longs, comme un fourgon, ne pouvaient en tout état de cause pas emprunter le passage initial, que le portail d’entrée initial d’une largeur de 3,39 mètres limitait déjà le gabarit des véhicules pouvant emprunter le passage, le nouveau portail en bois d’une largeur supérieure de 3,75 mètres étant à cet égard plus commode, et que la nouvelle pente à 15 % du nouveau tracé de la servitude était sans incidence sur le caractère commode ou non du nouveau passage sur lequel on ne pouvait stationner ;

Le pourvoi reprochait à la cour d’avoir statué ainsi, alors qu’elle avait constaté que Mme [N] reconnaissait elle-même que les engins de travaux publics pouvaient emprunter le passage initial et sans rechercher si le fait que le nouveau passage revendiqué par Mme [N] cumule tout à la fois une pente de 15 % et une configuration étroite et accidentée ne rendait pas nécessairement l’accès des époux [A] à leur maison plus incommode.

Réponse de la Cour :

Procédant à la recherche prétendument omise, par une comparaison des tracés des deux passages discutés pour en dégager les avantages et contraintes respectifs, elle en a, ensuite, souverainement déduit qu’ils présentaient une commodité équivalente pour les propriétaires du fonds dominant.

Enfin, ayant souverainement retenu, qu’en raison du changement de destination du fonds dominant, la servitude était devenue plus onéreuse pour Mme [N], du fait de la proximité du chemin avec son habitation, de l’augmentation des passages et des sollicitations fréquentes dont elle était l’objet, faisant ainsi ressortir l’existence d’une gêne substantielle liée à l’assiette primitive de la servitude, la cour d’appel a légalement justifié sa décision.

Cass. Civ. 3e, 18 janv. 2023 ; Pourvoi n° 22-10.700

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