Référence : Cass. com. 26-6-2024, n° 22-24.487 F-B
Contexte et enjeux de l’affaire
Dans cette affaire, un fournisseur de matériaux réclame à un entrepreneur la somme de 12 000 € correspondant à des factures impayées et à une pénalité.
Pour prouver sa créance, le fournisseur a produit divers documents, notamment des relevés de compte-client, des factures et des bons de livraison. L’entrepreneur a contesté ces éléments, avançant que la plupart de ces documents n’étaient pas signés et avaient été établis unilatéralement par le fournisseur, ce qui, selon lui, leur ôtait toute valeur probante.
L’arrêt de la Cour de cassation soulève donc une question cruciale : dans quelle mesure des factures ou des bons de livraison non signés peuvent-ils constituer une preuve suffisante pour établir une créance ?
La Cour de cassation a confirmé la décision des juges d’appel qui avaient condamné l’entrepreneur à payer. Elle s’est appuyée sur deux principes importants en droit :
A. Preuve des faits juridiques par tous moyens :
L’article 1363 du Code civil interdit de se constituer une preuve à soi-même pour les actes juridiques.
Cependant, cette règle ne s’applique pas aux faits juridiques, comme ici la livraison de marchandises. Pour prouver un fait juridique, le principe de liberté de la preuve s’applique, permettant au fournisseur de s’appuyer sur ses propres documents (factures, relevés de compte, bons de livraison).
B. Appréciation souveraine des juges du fond :
La Cour rappelle que les juges d’appel disposent d’un pouvoir souverain pour évaluer la valeur probante des éléments produits.
Dans ce cas précis, plusieurs éléments confortaient la créance du fournisseur :
- Une relation commerciale de longue durée entre les parties.
- Des bons de livraison, dont certains signés par l’entrepreneur.
- La conformité du relevé de compte-client avec les livres comptables du fournisseur.
- Des paiements antérieurs effectués sur des factures similaires non signées, démontrant une pratique acceptée entre les parties.
Quelles précautions pratiques pour les entreprises qui veulent obtenir le paiement de leurs factures ?
Cet arrêt, bien que favorable au créancier, doit néanmoins sonner comme un rappel pour les professionnels qui souhaite obtenir un taux de recouvrement de leurs factures élevé.
Bien que la Cour permette de fonder une preuve sur des documents unilatéralement établis, elle n’en fait pas une règle absolue.
L’appréciation des juges du fonds pourrait amener ceux-ci à considérer, dans d’autres hypothèses, que le principe de créance n’est pas suffisamment établi.
La validité de factures non appuyées par des éléments extérieurs (par exemple, bons de commande ou mise en demeure) pourrait ainsi être écartée.
Cet arrêt invite les professionnels les professionnels à la vigilance.
Il convient pour eux :
- Anticiper les contestations : Pour éviter les litiges, il est recommandé d’obtenir la signature systématique des bons de livraison ou, à défaut, une reconnaissance explicite des factures émises.
- Sécuriser ses documents commerciaux : Inclure dans les conditions générales de vente des clauses précises sur les modes de preuve, et s’assurer que les stipulations mentionnées protègent suffisamment le créancier,
- Prévoir des pénalités de retard dissuasives : prévoir des pénalités en cas de retard de paiement peut s’avérer décisif.
- Tenir une comptabilité rigoureuse : Les relevés certifiés et les historiques d’opérations, le compte client, les bons de livraisons peuvent être des atouts majeurs pour prouver une créance en cas de litige.