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MAITRE D’ŒUVRE : indemnisation du préjudice résultant d’un déficit de surface imputé au maître d’œuvre, pour défaut de conformité par rapport aux plans établis, même en l’absence de mission complémentaire 

Après avoir confié en 2010, la maîtrise d’œuvre de la construction d’un immeuble, le maître de l’ouvrage a assigné le maître d’œuvre en indemnisation du préjudice résultant du déficit de surface d’un des lots, vendu après achèvement.

1°) Le déficit de surface, ou le défaut de conformité par rapport aux plans établis, même en l’absence de mission complémentaire spécifique

La Cour d’appel a débouté la SCCV de sa demande d’indemnisation fondée sur la construction d’un bien dont la superficie est inférieure à celle prévue par les plans de l’architecte, en considérant que l’architecte s’est vu confier une mission complète de base de maîtrise d’œuvre allant des études préliminaires à l’assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés mais qu’il ne s’est pas vu confier de missions dites « complémentaires » dont notamment la mission REL correspondant au relevé des existantset qui est définie au paragraphe G.4.1 comme « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d’un ouvrage existant », ni au titre des autres missions complémentaires visées au paragraphe G.4.6 et définie comme « le calcul des superficies » de sorte qu’il ne peut lui être reproché un manquement dans l’exercice de ses missions ;

La SCCV fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’indemnisation dirigée contre M. [E], alors « que l’architecte chargé d’une mission de maîtrise d’œuvre complète est responsable de la non-conformité de la construction aux plans qu’il a établis, indépendamment d’une obligation de mesurage de l’ouvrage achevé.

La Cour de cassation relève que pour rejeter la demande d’indemnisation formée par le maître de l’ouvrage contre l’architecte, l’arrêt retient qu’il est établi que la surface du lot n° 18 présente un déficit d’au moins 6,70 m² par rapport à la surface attendue mais que l’architecte, qui était chargé d’une mission complète de base de maîtrise d’œuvre allant des études préliminaires à l’assistance à la réception et au dossier des ouvrages exécutés, ne s’était pas vu confier de missions complémentaires dont celles visées au paragraphe G.4.1, soit « les relevés comprenant le mesurage et la représentation graphique de tout ou partie d’un ouvrage existant » et au paragraphe G.4.6, soit « le calcul des superficies » (loi Carrez).


Il en déduit que l’architecte, n’étant tenu d’aucune mission de mesurage des ouvrages, ne saurait se voir reprocher un manquement dans l’exercice de ses missions de base.

Au visa de l’article 1147 du code civil, alors applicable, la Cour de cassation casse l’arrêt, reprochant à la Cour d’appel d’avoir constaté que M. [E] était chargé d’une mission complète, laquelle incluait nécessairement la direction de l’exécution des travaux, de sorte que l’architecte était tenu de veiller à une exécution conforme aux prévisions contractuelles et aux plans établis, même en l’absence de mission particulière portant sur le mesurage des surfaces.


2°) sur l’indemnisation du préjudice lié à la perte de surface, peut correspondre au remboursement d’une partie du prix de vente

La Cour d’appel a débouté la SCCV de sa demande d’indemnisation fondée sur la construction d’un bien dont la superficie est inférieure à celle prévue par les plans de l’architecte, en considérant que le maître de l’ouvrage ne peut solliciter la différence de prix résultant de la différence de surface ce qui reviendrait à réclamer, sous couvert d’indemnisation, le remboursement d’une partie du prix de vente lequel ne constitue pourtant pas un préjudice indemnisable.

La SCCV fait le même grief à l’arrêt, alors « que si la restitution à laquelle le vendeur est tenu en vertu de la loi à la suite de la diminution du prix résultant d’une moindre mesure par rapport à la superficie convenue, ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable permettant une action en garantie, le vendeur peut engager une action en indemnisation à l’égard de l’architecte fondée sur la non-conformité de l’ouvrage aux plans qu’il avait élaborés pour être indemnisé d’une perte de chance de vendre le bien à un prix supérieur ou pour une surface supérieure.

Au visa de l’article 1147 du code civil, alors applicable, la Cour de cassation relève que le maître de l’ouvrage peut réclamerl’indemnisation d’un manque à gagner résultant de la non-conformité de l’ouvrage aux prévisions contractuelles si celle-ci est imputable à un locateur d’ouvrage.

La Cour de cassation casse l’arrêt lui reprochant d’avoir rejeté la demande d’indemnisation formée par le maître de l’ouvrage contre l’architecte, aux motifs qu’il ne peut être réclamé, sous couvert d’indemnisation, le remboursement d’une partie du prix de vente, lequel ne constitue pas un préjudice indemnisable.

3°) sur l’indemnisation d’une perte de chance ou la réparation intégrale de la perte de surface

Pour rejeter la demande d’indemnisation formée par le maître de l’ouvrage contre l’architecte, l’arrêt retient que la SCCV n’établit pas qu’elle aurait nécessairement vendu son lot pour un montant supérieur de 30 731 euros s’il avait eu la superficie attendue de 73 m², en sorte que son préjudice ne peut être équivalent qu’à une perte de chance mais en aucun cas à l’exacte différence de prix résultant de la différence de surface.

La Cour de cassation casse l’arrêt aux motifs que le juge ne peut refuser d’indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l’existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.

7 novembre 2024 – Cour de cassation – Pourvoi n° 23-12.315