Naturellement, les juridictions ne sont jamais liées par les rapports d’expertise médicale judiciaire.
Elles peuvent alors mandater un nouvel expert si elles considèrent que le premier rapport ne les met pas en mesure de statuer.
Elles peuvent aussi, sans même désigner un nouvel expert, prendre l’exact contre-pied d’un rapport d’expertise qui avait conclu à une absence d’erreur médicale.
Cette décision rendue par la cour administrative d’appel de Bordeaux ce 6 juillet 2023 en constitue un excellent exemple.
En l’espèce l‘expert avait retenu que la blessure du nerf spinal était
imputable aux difficultés de dissection de la lésion à opérer siégeant à
proximité du bord postérieur du sternocléidomastoïdien en se fondant sur les
déclarations, lors de la réunion d’expertise
du 15 février 2012, de la praticienne ayant
réalisé l’intervention du 17 novembre 2009, selon lesquelles cette lésion
aurait été profonde et mal délimitée.
La Cour
observe néanmoins que « Ces déclarations ne sont cependant pas corroborées
par le compte-rendu de l’intervention, lequel ne fait état d’aucune
difficulté. »
Elle note également que « L’expert a précisé que le nerf spinal,
dans sa branche externe, est relativement superficiel, qu’il est vulnérable à
son émergence au bord supérieur du sternocléidomastoïdien, et que sa lésion,
qui peut survenir dès l’incision ou lors de la dissection, est » quasi
systématique lorsqu’un curage ganglionnaire est réalisé « . Toutefois,
cette affirmation, qui impliquerait que l’exérèse de la tuméfaction aurait
exposé Mme D… à un risque presque certain de lésion du nerf spinal, ne
repose sur aucune référence scientifique, alors qu’une étude relative
aux cancers thyroïdiens produite devant le tribunal fait état d’une fréquence
de l’atteinte de ce nerf
de 1,89 % lors de curages ganglionnaires. La
circonstance que cette étude a été établie à partir de données anciennes,
recueillies entre 1983 et 2003, est sans incidence sur la pertinence de ses
résultats quant à la faiblesse du risque de lésion du nerf spinal.
La cour retient, et c’est essentiel que les affirmations de l’experts sont insuffisantes et que celui-ci doit toujours faire reposer son argumentation sur la littérature médicale de référence.
C’est dans ces conditions que la cour
conclut que « Alors que la
localisation de la tuméfaction, connue par l’échographie per-opératoire, aurait
dû inciter la praticienne
à la prudence, et que l’existence de circonstances
particulières caractérisant un risque
opératoire inhabituel n’est pas établie, la lésion
du nerf spinal ne peut qu’être attribuée
à une maladresse fautive, contrairement à ce qu’a
retenu l’expert.»
CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 06/07/2023, 21BX02518, Inédit au recueil Lebon
Maître Vincent RAFFIN, Avocat Associé au sein du cabinet BRG Avocats [Nantes-Paris], et responsable du Département droit médical et dommages corporels, vous conseille, vous assiste et vous accompagne sur toute la France concernant vos litiges.
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