Dans cette affaire, le propriétaire d’un terrain avait fait bâtir son chalet après avoir obtenu un permis de construire, non contesté, en 2007.
Son voisin se plaignait du non-respect de la hauteur de la construction par rapport au permis. Après expertise judiciaire, il obtient la condamnation du constructeur de chalet à réduire la hauteur de 70 cm !
Dans son arrêt du 4 avril 2024 (n°22-21.132), la Cour de cassation rejette le pourvoi du constructeur qui avait fait valoir que la démolition ordonnée constituait une sanction disproportionnée au regard du caractère minime de la non-conformité et du coût considérable des travaux de mise en conformité.
En vertu du droit à réparation intégrale, la Cour de cassation considère que « le juge du fond, statuant en matière extra-contractuelle, ne peut apprécier la réparation due à la victime au regard du caractère disproportionné de son coût pour le responsable du dommage », et que la demande de démolition est recevable dès lors que la construction édifiée en violation des prescriptions du permis de construire avait causé un préjudice direct au voisin (en l’espèce privation de la vue panoramique, limitation de l’ensoleillement, réduction de la luminosité..).
Moralité : à défaut de respecter les prescriptions du PC, assurez vous de ne pas nuire à votre voisin !
En détail
Mme [U] [F] a, après expertise judiciaire, assigné M. [K] en mise en conformité d’une part, de sa maison avec les règles de hauteur prévues par le plan local d’urbanisme, d’autre part, de ses plantations avec les règles de distance ainsi qu’en indemnisation de son préjudice de jouissance.
La cour d’appel a condamné M.[K] à mettre sa construction en conformité avec les prescriptions du permis de construire accordé le 18 juin 2015 en réduisant la hauteur du faîtage de 70 cm et de l’égout de la façade ouest à partir du sol naturel et à payer à Mme [U] [F] une certaine somme à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.
En visant le principe de proportionnalité, M. [K] fait grief à la cour de ne pas avoir rechercher concrètement, d’après les circonstances particulières de l’espèce dont il leur appartient de faire état, si les sanctions qu’ils prononcent ne sont pas disproportionnées ;
- sans prendre en considération l’existence de la marge d’erreur évoquée par l’expert [I] dans son rapport avant de se prononcer sur le point de savoir si la non-conformité de la construction litigieuse au regard du permis de construire modificatif du 18 juin 2015 était minime ou, à l’inverse, significative
- sans se fonder sur aucune évaluation du prix des travaux qu’une telle mesure implique, et qui est considérable,
Réponse de la Cour
En application de l’article 1382, devenu 1240 , du code civil et du principe de la réparation intégrale, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, de sorte que la victime doit être indemnisée sans perte ni profit.
Il en résulte que le juge du fond, statuant en matière extra-contractuelle, ne peut apprécier la réparation due à la victime au regard du caractère disproportionné de son coût pour le responsable du dommage.
La cour d’appel a exactement énoncé que la demande de démolition ne pouvait prospérer qu’à condition d’établir que la construction édifiée en violation des prescriptions du permis de construire avait causé un préjudice direct au voisin.
En premier lieu, après avoir précisé que les résultats obtenus par l’expert judiciaire pour déterminer la hauteur du bâtiment avaient été corrigés à la baisse pour prendre en compte une marge d’erreur, elle a constaté que les hauteurs du faîtage et de l’égout en façade ouest excédaient celles prescrites par les permis de construire délivrés les 15 juin 2015 et 30 avril 2018.
En second lieu, elle a relevé que la construction réalisée par M. [K] privait sa voisine d’une grande partie de la vue panoramique sur la côte et le littoral ouest, limitait l’ensoleillement dont elle bénéficiait et réduisait la luminosité de l’une des pièces à vivre de sa maison.
Ayant ainsi caractérisé un préjudice résultant directement de la non-conformité de la construction aux prescriptions d’un permis de construire, la cour d’appel a pu en déduire que la démolition de la construction dans les limites des prescriptions du permis de construire modificatif devait être ordonnée.
Elle a ainsi légalement justifié sa décision.
Cour de cassation, 3ème Chambre Civile, 4 avril 2024, n° 22-21.132