La société Aetna Group Spa, spécialisée dans la production de machines fabriquant des emballages, a fait transporter plusieurs machines d’Italie en France en vue de leur exposition dans un salon professionnel à Paris.
Par contrat passé en novembre 2014, la société Aetna a confié à la société Clamageran la manutention et le déchargement de ces machines à l’issue de leur transport. L’une d’elles ayant été endommagée alors qu’elle était manipulée par un employé de la société Clamageran, la société Aetna a obtenu une indemnité de son assureur, la société Itas Mutua. Subrogée dans les droits de son assurée, la société Itas Mutua a assigné la société Clamageran en paiement de dommages et intérêts.
La société Clamageran fait grief à l’arrêt de l’avoir déclaré responsable à l’égard de la société Aetna, sur le fondement délictuel, des dommages résultant de la faute contractuelle commise dans l’exécution du contrat de prestation de service conclu avec la société Aetna Group France, en considérant les clauses limitatives de responsabilités régissant le contrat étaient inopposables au tiers.
Au visa des articles 1134 et 1165 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et l’article 1382, devenu 1240, du même code, la Cour de cassation juge que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) et que s’il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu’il subit, il n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. plén. 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963, publié au bulletin).
Pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s’est engagé en considération de l’économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants.
Pour condamner la société Clamageran à payer la somme de 100 000 euros à la société Itas Mutua, l’arrêt, après avoir énoncé que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, retient que les clauses limitatives de responsabilité issues des conditions générales du contrat conclu entre la société Clamageran et la société Aetna Group France sont inopposables à la société Itas Mutua, subrogée dans les droits de la société Aetna Group Spa.
La Cour de cassation casse l’arrêt pour violation des textes susvisés.
Cass. com., 3 juill. 2024, 21-14.947