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DÉCENNALE : réalisation du risque dans le délai d’épreuve (absence d’écran sous toiture et de raccordement aux évents) et caractère apparent du vice

Se plaignant de désordres affectant les bâtiments d’une résidence réalisée par la société Les Jardins de Toga, le syndicat des copropriétaires a, après expertise, assigné celle-ci en réparation, ainsi que la société Axa France IARD, en sa qualité d’assureur dommages-ouvrage, en indemnisation.

Le syndicat des copropriétaires fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage relatives à l’absence d’écran en sous-toiture, alors :

« 1°/ que l’assureur dommages ouvrage garantit la réparation des dommages qui, apparus dans un délai de dix ans, compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu’en considérant, pour exclure la garantie de la société Axa, en qualité d’assureur dommages ouvrage, que, dix ans après la réception de l’immeuble, « le risque pour la santé et la sécurité des occupants résultant de l’absence de raccordement des évents et de l’absence d’écran sous-toiture retenu par l’expert ne s’était pas concrétisé », quand elle relevait que l’ouvrage était affecté de non-façons, apparues dans les dix ans de la réception, qui, faisant courir des risques aux occupants, le rendaient nécessairement impropre à sa destination, peu important que ces risques ne se soient pas encore concrétisés, la cour d’appel a méconnu les articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, ensemble l’article L. 242-1 du code des assurances ;

2°/ que dans ses conclusions d’appel, le syndicat des copropriétaires contestait le caractère apparent des non-façons lors de la réception, soulignant que « les acquéreurs profanes en la matière, ne pouvaient relever l’absence d’un film sous-toiture pas plus que l’absence des évents » et que ce n’était « qu’à la suite d’infiltrations et à la présence d’odeurs nauséabondes que le syndic » avait dénoncé les désordres, lesquels étaient « apparus bien après l’année de parfait achèvement » ; qu’en retenant, pour exclure la garantie de la société Axa, en qualité d’assureur dommages ouvrage, que le syndicat aurait, dans ses écritures, admis le caractère apparent des non-façons litigieuses, la cour d’appel a dénaturé les conclusions d’appel du syndicat des copropriétaires et a violé l’article 4 du code de procédure civile.

4°/ que seuls peuvent être exclus de la garantie dommages ouvrage les désordres que le maître de l’ouvrage a pu appréhender, dans leur ampleur et leurs conséquences, lors de la réception ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les conséquences décennales et l’ampleur des désordres (odeurs nauséabondes dangereuses pour la santé s’agissant de l’absence de raccordement des évents ; possibilité d’entrées d’eau s’agissant de l’absence de film) n’étaient pas apparues postérieurement à la réception de sorte que les maîtres de l’ouvrage n’avaient pu les accepter en connaissance de cause lors de la réception, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-6 du code civil, ensemble l’article L. 242-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour :

1°) Sur l’absence d’écran en sous-toiture

La cour d’appel, qui a constaté que l’absence d’écran sous-toiture pouvait, selon l’expert, provoquer, en cas de vents violents, des chutes de tuiles sur les occupants et des entrées d’eau, a retenu que, la réception ayant été prononcée le 31 juillet 2004, le risque évoqué ne s’était pas réalisé à la date du dépôt du rapport d’expertise le 9 février 2015.

Elle en a déduit, à bon droit, abstraction faite des motifs critiqués par les deuxième, troisième et quatrième branches, qu’en l’absence de désordre décennal constaté durant le délai d’épreuve, les demandes formées de ce chef à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage ne pouvaient être accueillies.

2) sur l’absence de raccordement des évents

Au visa des articles 1792 du code civil et L. 242-1 du code des assurances, l’assurance dommages-ouvrage garantit notamment les dommages qui, affectant l’ouvrage dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination dans le délai d’épreuve de dix ans courant à compter de la réception.

Pour rejeter les demandes formées à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage, l’arrêt retient que, la réception ayant eu lieu le 31 juillet 2004, le risque pour la santé et la sécurité des occupants résultant de l’absence de raccordement des évents ne s’était pas concrétisé à la date de l’expertise.

En statuant ainsi, après avoir constaté que l’expert avait relevé que l’absence de raccordement des évents provoquait des odeurs nauséabondes présentant un danger pour la santé des personnes, de sorte que le risque sanitaire lié aux nuisances olfactives rendait, en lui-même, l’ouvrage impropre à sa destination durant le délai d’épreuve, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

3°) sur le caractère apparent du désordre lié à l’absence de raccordement des évents

Au visa des articles 1792 et 1792-6 du code civil et L. 242-1 du code des assurances, la cour de cassation énonce que si en application du deuxième de ces textes, la réception sans réserve couvre les vices apparents, il résulte du premier et du troisième que la garantie dommages-ouvrage s’applique pour lesdésordres de nature décennale apparus après celle-ci.

Pour rejeter les demandes formées à l’encontre de l’assureur dommages-ouvrage, l’arrêt retient quel’absence de raccordement des évents était apparente à la date de la réception.

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les nuisances olfactivesprovoquées par l’absence de raccordement des colonnes d’eaux usées à des évents extérieurs ne s’étaient pasmanifestées que postérieurement à la réception, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Cass. Civ. 3e, 11 mai 2022 ; Pourvoi n° Z2115608

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